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    Au clos de notre amour, l’été se continue

     

    Au clos de notre amour, l’été se continue :
    Un paon d’or, là-bas, traverse une avenue ;
    Des pétales pavoisent
    - Perles, émeraudes, turquoises -
    L’uniforme sommeil des gazons verts
    Nos étangs bleus luisent, couverts
    Du baiser blanc des nénuphars de neige ;
    Aux quinconces, nos groseilliers font des cortèges ;
    Un insecte de prisme irrite un coeur de fleur ;
    De merveilleux sous-bois se jaspent de lueurs ;
    Et, comme des bulles légères, mille abeilles
    Sur des grappes d’argent vibrent au long des treilles.

     

    L’air est si beau qu’il paraît chatoyant ;
    Sous les midis profonds et radiants
    On dirait qu’il remue en roses de lumière ;
    Tandis qu’au loin, les routes coutumières
    Telles de lents gestes qui s’allongent vermeils,
    A l’horizon nacré, montent vers le soleil.

     

    Certes, la robe en diamants du bel été
    Ne vêt aucun jardin d’aussi pure clarté.
    Et c’est la joie unique éclose en nos deux âmes,
    Qui reconnaît sa vie en ces bouquets de flammes.

     

    Emile Verhaeren

     

    Au clos de notre amour, l’été se continue

     

     

     

     

     


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    Vieillesse commençante

    C’est en vain aujourd’hui que le songe me leurre.
    Me voici face à face inexorablement
    Avec l’inévitable et terrible moment :
    Affrontant le miroir trop vrai, mon âme pleure.

     

    Tous les remèdes vains exaspèrent mon mal,
    Car nul ne me rendra la jeunesse ravie…
    J’ai trop porté le poids accablant de la vie
    Et sanglote aujourd’hui mon désespoir final.

     

    Hier, que m’importaient la lutte et l’effort rude !
    Mais aujourd’hui l’angoisse a fait taire ma voix.
    Je sens mourir en moi mon âme d’autrefois,
    Et c’est la sombre horreur de la décrépitude !

     

    Renée Vivien  ( Haillons)

     

    Vieillesse commençante


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    savoir

     

    Savoir attendre

     

    Sans vouloir tout comprendre,

     

    Savoir hurler

     

    Sans pour autant se résigner,

     

    Savoir pleurer

     

    Sans pour cela désespérer.

     

    Essayer d’avancer

     

    Pour ne pas retomber,

     

    Essayer d’oublier

     

    Pour ne pas se noyer,

     

    Essayer d’espérer

     

    Pour ne pas se révolter.

     

    Laisser couler son cœur

     

    Comme s’ouvre une fleur,

     

    Laisser sortir son âme

     

    Comme s’élève une flamme,

     

    Laisser renaître la vie

     

    Comme pousse l’épi.

     

    Regarder l’horizon

     

    Pour une autre ascension,

     

    Attendre un navire

     

    Pour un nouvel avenir,

     

    Guetter l’Espérance

     

    Pour une autre naissance.

     

     

     

    Elisabeth Lafont, février 2006

     

    savoir

     


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    Il pleure dans mon coeur
    Comme il pleut sur la ville ;
    Quelle est cette langueur
    Qui pénètre mon coeur ?

     

    Ô bruit doux de la pluie
    Par terre et sur les toits !
    Pour un coeur qui s’ennuie,
    Ô le chant de la pluie !

     

    Il pleure sans raison
    Dans ce coeur qui s’écoeure.
    Quoi ! nulle trahison ?…
    Ce deuil est sans raison.

     

    C’est bien la pire peine
    De ne savoir pourquoi
    Sans amour et sans haine
    Mon coeur a tant de peine !

     

    Paul Verlaine

     

     

     


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